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May 2023

Le numérique : un secteur déconnecté des enjeux climat ?

Authors : Charles Dowlat

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Ce rapport synthétise les résultats de la campagne d’analyse de la performance carbone des entreprises du secteur des Technologies de l’Information et de la Communication, réalisée en appliquant la méthodologie de Carbon4 Finance, nommée Carbon Impact Analytics, de juin à août 2021.

Synthèse

  • Le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) présente une dynamique de croissance non soutenable : sur la période 2010-2019, on observe une augmentation du nombre d’utilisateurs d’objets connectés (+130%), du nombre d’objets connectés disponibles (+170%), ainsi que de la masse globale de ces objets (+80%). Cette augmentation des terminaux et utilisateurs finaux est accompagnée d’une croissance logique du réseau et des datacenters, afin de soutenir l’accès à internet de cette demande en expansion. Ces évolutions ont suscité l’analyse visant à estimer les émissions de gaz à effet de serre du secteur. Les résultats sont éloquents : le numérique engendre environ 3,5% des émissions mondiales en 2019, qui sont en forte croissance (+8%/an de 2014 à 2019), ce qui pourrait nous amener à plus de 7% des émissions mondiales à l’horizon 2025, en l’absence d’actions de sobriété.
  • La dynamique non soutenable du secteur et sa forte contribution aux activités humaines (travail et loisirs) ont amené Carbon4 Finance à évaluer le risque de transition de 67 entreprises du numérique, grâce à la méthodologie bottom-up CIA (attribution d’un score de risque de transition), afin d’établir l’ordre de mérite des principaux acteurs du secteur face à la transition bas-carbone. Carbon4 Finance a également élaboré des recommandations à destination des entreprises du digital, afin de contribuer à un monde aligné avec les accords de Paris. A date, c’est la première fois qu’une étude de ce type est réalisée.
  • Les émissions attribuées au secteur sont liées à l’infrastructure physique du numérique, sur laquelle reposent tous les usages. Celle-ci se décompose en 3 groupes : les datacenters, le réseau et les appareils des utilisateurs finaux. Les émissions sont liées à la consommation d’énergie nécessaire pour la production de l’infrastructure (extraction des matières premières, processus industriels et livraison aux consommateurs), et sa phase d’utilisation (alimenter les équipements pendant leur utilisation). Ainsi, agir sur les émissions signifie produire et utiliser cette infrastructure de façon plus raisonnée. 
  • Le progrès technique et l’efficacité énergétique ne sont pas suffisants pour permettre un découplage des émissions et de la croissance de l’infrastructure du numérique, car ils sont plus que compensés par une démultiplication des usages et une augmentation du débit. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond. Questionner les usages est donc essentiel pour viser la sobriété numérique.
  • L'immense diversité des produits fournis par l’industrie du numérique rend la quantification des impacts environnementaux très difficile. A cela s’ajoute la difficulté d’accès aux volumes de produits fabriqués/développés par les entreprises (ou à la consommation énergétique du produit), car ces dernières ne les publient pas ou peu, ce qui empêche une comparaison des performances carbone basée sur une intensité physique (en tCO2e par tonne de produits fabriqués ou tCO2e/h d’utilisation par exemple).
  • Les scores de performance carbone des acteurs apparaissent peu dispersés en raison du risque systémique[1]. On observe une forte interdépendance des acteurs. Un réseau social (secteur des médias) est accessible par le biais d'une application (secteur des logiciels B2C) qui fonctionne sur un smartphone (secteur des ordinateurs et périphériques) et nécessite une connexion Internet disponible grâce à un abonnement à une société de services de télécommunication (secteur des services de télécommunication). Par conséquent, si l'un de ces acteurs est touché par le changement climatique (risque de transition ou risque physique), tous les autres acteurs de la chaîne de valeur le seront également. Une autre façon de le concevoir est que tous les acteurs utilisent l’infrastructure du numérique, et sont ainsi très exposés aux contraintes qui s'appliquent à cette infrastructure particulière.
  • Les principaux risques de transition identifiés pour ce secteur sont les contraintes réglementaires encourageant à une sobriété numérique (ex : allongement de la durée légale de garantie, limitation du débit de données, taxe sur la publicité en ligne, …), la concurrence d’approvisionnement avec d’autres secteurs sur les métaux rares, et le risque que le besoin d’approvisionnement en électricité (principalement renouvelable pour décarboner les sites, réseaux et datacenters) nécessaire à l’expansion du secteur ne soit pas atteignable. La grande majorité des acteurs ne considère pas les deux premiers types de risques, et préfère se concentrer sur les contraintes d’approvisionnement en électricité, principalement bas-carbone – en pratique limitée au renouvelable pour l’heure – pour les détenteurs de réseaux et datacenters. Beaucoup mentionnent que leur activité n'est pas en danger étant donné que leurs produits n'émettent pas de GES au lieu d’utilisation (mais cela est faux en vision globale, cf. point sur la dépendance à l’infrastructure physique). Cela se traduit par des investissements bas-carbone peu ambitieux et parfois non pertinents.
  • Si la grande majorité de l’échantillon déclare des émissions scope 1&2, le scope 3 est souvent oublié ou mal appréhendé (particulièrement pour les entreprises de services), alors qu’il représente en moyenne plus de 90% des émissions des acteurs des TIC. En conséquence, les objectifs de réduction des émissions se concentrent sur les seuls scopes 1&2. Mais même là on observe un manque d’ambition avec beaucoup d’objectifs fixés en market-based (c’est à dire majoritairement atteints en achetant des Garanties d’Origines) ou ayant recours à la compensation carbone (qui n’a pas de fondement scientifique, cf. le référentiel de la Net Zero Initiative), sans réelles mesures opérationnelles pour diminuer la dépendance aux émissions.
  • Enfin, il est important de noter qu’on observe un biais dans la notation CIA, car celle-ci repose sur les données disponibles dans les rapports publiés. Or les plus grandes capitalisations boursières étant davantage scrutées et soumises à des exigences réglementaires plus fortes, elles fournissent plus de données dans leurs rapports que les petites capitalisations (et encore plus que les entreprises non-cotées), et sont donc légèrement favorisées par la méthodologie CIA, qui pénalise le manque de transparence.

Introduction

L’origine anthropique du changement climatique faisant consensus dans la communauté scientifique[2] la réduction les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) pour limiter le réchauffement de la planète est une nécessité. Les actions à mener sont d’autant plus pressantes que les effets du changement climatiques sont déjà perceptibles[3], avec des projections de température atteignant des paliers plus tôt que prévu[4]. Il est donc urgent d'œuvrer pour une transition efficace vers une économie peu émissive en carbone, avec des trajectoires de réduction des émissions dans tous les secteurs. Le secteur numérique, qui représente une part non marginale et toujours croissante des émissions mondiales de GES (3,5% des émissions mondiales de GES en 2019, soit plus que les voyages en avion dans le monde[5] avec un taux d'augmentation de +8%/an[6]), devient un secteur à fort enjeu dans cette transition, dont il faut déterminer la place et rôle.

Figure 1 - Ordres de grandeur des émissions du numérique[7][8]

Les entreprises du secteur des Technologies de l'Information et des Communications (TIC) ont longtemps été perçues comme des entreprises non polluantes, car la nature digitale de leurs produits et services les dissociait en apparence de la consommation de ressources physiques nécessaires au maintien de leur activité. En d'autres termes, la numérisation permet de remplacer des produits physiques – papier – par des produits « immatériels » (des données sur un écran), créant ainsi l'illusion d'une production sans ressources. Par exemple, alors que l'on pensait faire de économies de matières en remplaçant les lettres papier par des courriers électroniques, il s’avère que la réalité est plus complexe[9]. En effet, le numérique s'appuie sur un système physique

  • Les matières premières qui composent les appareils électroniques, les réseaux et les datacenters (la masse du monde numérique représentait 223 millions de tonnes en 2019, soit environ 5 fois la masse des voitures en France[10]).
  • L'énergie consommée par ces mêmes entités pendant leur phase de production et d'utilisation (environ 4,2 % de la consommation mondiale d'énergie primaire[10]).

À cet égard, plusieurs études ont commencé à tenter de quantifier les émissions de GES liées au numérique (rapports Lean-ICT, The Shift Project ; The environmental footprint of the digital world, GreenIT). Les résultats sont univoques : le secteur des TIC émet une grande part des émissions mondiales de GES et présente une croissance inquiétante, qui semble incompatible avec les accords de Paris de 2015 (limiter le réchauffement climatique en dessous de +2°C par rapport à l'ère préindustrielle).

Par ailleurs, bien que certaines technologies numériques puissent potentiellement améliorer l’efficacité énergétiques de certains processus, les économies d’énergies attendues sont rarement observées, voire aboutissent à des surconsommations, à cause d’une modification des comportements et d’une démultiplication des usages (effets rebond). En 2018, The Shift Project, (un think-tank français sur la transition bas-carbone), dans son rapport Lean-ICT (2018)[11], a introduit la notion de sobriété numérique : « passer d'un monde numérique instinctif, voire compulsif, à un monde numérique maîtrisé, qui sait choisir ses orientations au regard des opportunités, mais aussi des risques ». Ce concept illustre parfaitement l'équilibre que doit trouver le secteur numérique pour contribuer positivement à la transition bas-carbone.

Figure 2 - L'infrastructure du numérique et ses différents usages (non-exhaustifs)

Nous présenterons dans un premier temps les défis liés à la transition vers une économie bas-carbone pour les entreprises du numérique. Ensuite, nous détaillerons les principes méthodologiques de la notation Carbon Impact Analytics utilisée pour ce secteur. Puis nous passerons en revue les résultats de cette campagne et les différentes difficultés rencontrées. Enfin, nous conclurons ce rapport sur l’état d’avancement global du secteur dans sa transition.

La dynamique et les défis du secteur

Le rôle des TIC dans la transition énergétique et climatique

Les technologies du numérique, qui permettent les ordinateurs portables, les smartphones, les réseaux sociaux, les services de paiements en ligne, les services de télécommunication, etc., sont devenues centrales et essentielles dans le fonctionnement de notre société. Il est par conséquent important de garder à l'esprit qu’elles ne sont pas des outils virtuels, car elles reposent sur des ressources physiques, bien que nous ne percevions pas directement leur matérialité à travers les actions qu'elles permettent. En effet, tous les appareils électroniques (smartphones, ordinateurs portables, câbles, fibres optiques, antennes de réseaux, datacenters, ...) ont besoin d'énergie dans leurs phases de production et d'utilisation. Par conséquent, tous les logiciels, applications et médias qui fonctionnent sur ces appareils s'appuient également sur la même infrastructure physique, qui consomme de l'énergie et émet des GES. De ce fait, le monde numérique et les entreprises du secteur des TIC sont très exposés aux contraintes qui s'appliquent à cette infrastructure physique. 

Néanmoins, certains usages numériques ont également le potentiel de contribuer à la transition, via l'optimisation/la réduction des déplacements[12], l'optimisation de la consommation énergétique des bâtiments/villes[13], et plus généralement en contribuant à l'efficacité énergétique. Ainsi, certaines applications du numérique peuvent offrir des solutions à la réduction des émissions, pendant que d’autres (usages de la vidéo notamment) contribuent de plus en plus aux émissions humaines. Il convient donc de s'interroger sur la place du secteur des TIC dans une économie bas-carbone, car il peut représenter un potentiel d'optimisation mais également des impacts négatifs sur l'environnement. 

En outre, il est complexe de quantifier la réduction de la consommation d'énergie permise par les gains d'efficacité énergétique grâce à la technologie numérique, car il y a souvent des effets rebond. Par exemple, concernant les services numériques qui permettent de réduire les déplacements (télétravail, téléconférence), une part importante des économies de déplacements professionnels est compensée par l'augmentation des autres trajets (principalement des déplacements non professionnels) ou des dépenses de chauffage à domicile. Falch (2012)[14] montre, par exemple, que le Danemark a l'effet rebond le plus élevé pour le télétravail (73 %) (réduction de 105 km/semaine des déplacements professionnels, augmentation de 77 km/semaine des déplacements personnels).

Ainsi, dans un monde aux ressources limitées (énergie, matières premières, ...), la pertinence de chaque outil et service numérique doit être questionnée quant à sa contribution à la transition bas-carbone. Les développements et usages actuels du numérique sont incontrôlés, c'est-à-dire qu'ils ne prennent pas en compte leurs conséquences physiques. Il est nécessaire de s'orienter vers des pratiques numériques plus conscientes, réfléchies, en identifiant les technologies et services qui sont bénéfiques à la population, d’un point de vue social (ex : communication), culturel (ex : accès et partage des connaissances) et environnemental (ex : meilleure gestion des ressources), qui doivent être préservés et développés, afin de pouvoir leur allouer en priorité les ressources disponibles. 

Les principales sources d’émissions de GES et leur tendance

Les émissions de GES du secteur des TIC peuvent être divisées en trois catégories, faisant écho à la décomposition en chaîne de valeur du secteur :

  • Les émissions liées à la production de l'infrastructure informatique et télécom (appareils électroniques des utilisateurs finaux, réseaux, datacenters). Elles comprennent l'énergie consommée pour l'extraction des matières premières, les processus industriels et la livraison aux consommateurs.
  • Les émissions liées à l'utilisation de l'infrastructure. Elles comprennent l'énergie nécessaire – essentiellement de l’électricité – pour alimenter les équipements pendant leur phase d'utilisation.
  • Les émissions liées au traitement en fin de vie de l’infrastructure (recyclage ou déchets qui sont enfouis ou incinérés). Ce type d’émissions ne sera pas considéré pendant cette étude car négligeable comparé aux deux premiers (mais la filière du traitement des déchets à d’autres effets sur l’environnement et la société, détaillés en 5.2.1).
Figure 3 - Chaîne de valeur de l'infrastructure du numérique

Quelques exemples pour illustrer ces deux catégories :

  • Fabrication d'un ordinateur portable : pour produire un ordinateur portable de 2 kg, il faut des milliers de litres d'eau douce et 800 kg de ressources, dont 200 kg de combustibles fossiles et 600 kg de métaux (méthode MIPS)[15].
  • Consommation électrique des box internet : en moyenne, une box internet consomme entre 150 et 300 kWh par an12, soit environ autant qu'un réfrigérateur (200 à 500 kWh par an[16]).

The Shift Project (un think-tank français sur la transition bas-carbone), dans sa série de publications Lean-ICT (commencée en 2018), en s'appuyant sur une étude d'Andrae & Edler[17] sur la consommation énergétique du numérique, a estimé les émissions totales de GES du secteur des TIC à 1,84 GtCO2e en 2019. Concernant la consommation finale d'énergie générant ces émissions, 45% étaient attribués à la production de l'infrastructure et 55% à son utilisation.

La communauté GreenIT, qui regroupe des acteurs du numérique qui œuvrent pour des pratiques digitales durables, dans son étude de 2019 Empreinte environnementale du numérique mondial, attribuait 35% de la consommation d'énergie primaire à la fabrication des infrastructures et 65% à leur utilisation, le total représentant 3,8% des émissions mondiales de GES. Ces chiffres confirment ceux du Shift Project.

Figure 4 – Répartition de la consommation d’énergie primaire du secteur du numérique (GreenIT, 2019)

De plus, les émissions du secteur des TIC suivent une tendance inquiétante. Selon The Shift Project (2020), la croissance des émissions mondiales de GES dues au numérique n'a cessé d'augmenter au cours des dix dernières années, avec une moyenne de +8 % par an entre 2014 et 2019. Cette tendance pourrait amener le secteur à représenter environ 7,5 % des émissions mondiales de GES en 2025. La figure ci-dessous illustre l'évolution possible des émissions de GES des technologies numériques dans le monde, selon différents scénarios (les détails des différents scénarios[18] être trouvés dans The Shift Project, Lean-ICT, 2018) :

Figure 5: Évolution entre 2013 et 2025 de la part du numérique dans les émissions mondiales de GES (Lean ICT - The Shift Project, 2018]

Cette dynamique peut s'expliquer par plusieurs facteurs, notamment (GreenIT, 2019) :

  • L'augmentation du nombre d'utilisateurs[19] - de 2 023 millions en 2010 à 4 700 millions en 2020, avec une prévision de 5 500 millions en 2025.
  • L'augmentation du nombre d'appareils connectés "standard" (ordinateurs, tablettes, smartphones, consoles de jeux vidéo, etc.) - de 13 531 millions en 2010 à 19 041 millions en 2020, avec une prévision de 20 278 millions en 2025 (le taux d'augmentation diminue parce que les smartphones sont les seuls appareils dont le nombre continue à augmenter alors que celui des autres appareils diminue).
  • L'augmentation du nombre d'objets connectés (Internet des objets - IoT - autres que les appareils standard) - de 1 000 millions en 2010 à 20 315 millions en 2020, avec une prévision de 48 272 millions en 2025 (l'indicateur le plus rapidement croissant).
  • L'augmentation de la masse globale des objets connectés (standard et non standard) - de 128 millions de tonnes en 2010 à 236 millions de tonnes en 2020, avec une prévision de 317 millions de tonnes en 2025.
  • L'augmentation de la taille des écrans qui a doublé entre 2010 et 2020.
  • Le déclin des gains d'efficacité énergétique, car les progrès technologiques dans ce domaine ralentissent.
  • L'augmentation des équipements dans les pays émergents dont le mix énergétique est plus intensif en carbone.

La figure ci-dessous représente l’évolution de 4 de ces indicateurs, avec une projection à l’horizon 2025 :

Figure 6 – Évolution de certains indicateurs du secteur du numérique par rapport à l’année de référence 2010 (GreenIt, 2019)

Le fait que l'empreinte écologique globale du numérique soit en constante augmentation peut être contre-intuitif, car on pourrait penser que l'amélioration de l'efficacité énergétique et la réduction de la masse des appareils (pour des services équivalents) limiteraient l'augmentation de la consommation d'énergie et la quantité de matières premières extraites. Cependant, des études montrent que l’augmentation de l'efficacité énergétique unitaire est contrebalancée par une augmentation de la puissance/capacité des équipements. Les effets rebond identifiés par l’analyse de la littérature existante sont les suivants :

  • L'effet de miniaturisation. Comme de nombreux dispositifs deviennent de plus en plus petits (par exemple, les microprocesseurs ont réduit leur taille, tout en augmentant leurs performances), ils nécessitent moins de matières premières par dispositif. Par conséquent, leur coût diminue, ce qui entraîne une hausse de la demande. Ainsi, les économies de matières premières générées par la miniaturisation seront ensuite absorbées par la multiplication du nombre de petits appareils électroniques. De plus, les nouveaux modèles remplacent rapidement les plus lents et les plus gros, ce qui contribue également à accélérer l'obsolescence des appareils (Cédric Gossart, 2016[20]). En outre, la miniaturisation complexifie le recyclage des matières (donc accroît in fine la consommation de matière).
  • La virtualisation des données (permet d'intégrer des données provenant de plusieurs sources disparates sans avoir besoin de les copier ou de les stocker, en ne conservant que les métadonnées). Cette façon de procéder a engendré la diminution du nombre de serveurs avec un stockage constant des données et par conséquent une réduction du coût par octet stocké. En conséquence, la demande d'espace de stockage de données a augmenté : de 1986 à 2007, la capacité mondiale de traitement des données a augmenté cinq fois plus vite que la croissance économique (Hilbert et al., 2011[21]).
  • L'augmentation du volume de données transférées, transformées et stockées entraîne le développement d'infrastructures informatiques plus importantes. Ces nouvelles infrastructures permettent l'émergence de nouveaux usages, qui nécessitent eux-mêmes des volumes de données plus importants, grâce à cette nouvelle disponibilité (The Shift Project, 2020).

Périmètre d’analyse et couverture de la campagne CIA

Pour évaluer l’état d’avancement du secteur du numérique dans la transition vers une économie bas-carbone, Carbon4 Finance a analysé 67 grandes entreprises du secteur des TIC, avec sa méthodologie Carbon Impact Analytics (CIA), déclinée pour ce secteur. 

Ces 67 entreprises sont classées selon 6 sous-secteurs ayant chacun une approche méthodologique spécifique, listés dans le tableau ci-dessous :

Table 1 – Périmètre d’analyse par type d’activité

Ces 67 entreprises représentaient environ 11 % de la capitalisation boursière mondiale en 2020, ainsi que plus de 80 % de la capitalisation boursière globale du secteur des TIC.

Figure 7 – Distribution de l’échantillon d’entreprises par sous-secteurs selon le nombre d’entités (à gauche) et la capitalisation boursière (à droite) (Source : base de données Carbon4 Finance)

En ce qui concerne les plus fortes capitalisations boursières du secteur, les 5 premières sont sans surprise les GAFAM (Google – via sa maison mère Alphabet Inc. –, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), comme le montre le graphique ci-dessous. Ils représentent plus de 50% de l'échantillon en termes de capitalisation boursière.

Figure 8 – Top 10 des capitalisations boursières du secteur des TIC (2020) (Source : base de données Carbon4 Finance)

Ce rapport présente les résultats de la première campagne CIA menée de juin à août 2021, sur cet échantillon d'entreprises. La méthodologie CIA cherche à mesurer l'exposition d'une entreprise au risque de transition, ainsi que son impact sur le climat (double matérialité), à travers un score global (de A+ à E-) et divers indicateurs sectoriels. À partir de nos données, nous avons classé les entreprises analysées en fonction de leur contribution à la transition et de leur degré d'exposition au risque de transition. La méthodologie tient compte notamment des stratégies adoptées par les entreprises pour s'aligner - ou non - sur les objectifs de décarbonation de l'économie mondiale et réduire leur exposition au risque. Il s'agit de la première étude de ce type, à notre connaissance et à ce jour (Greenpeace a publié en 2017 un classement[22] les acteurs du numérique fournissant les services internet les plus « verts », en fonction du mix énergétique des entreprises).

Risques de transition identifiés

Le risque de transition d'une entreprise est le risque associé aux effets d'un changement sociétal et/ou économique lié à la transition bas-carbone, qui peut avoir un impact sur le modèle économique d'un acteur tout au long de sa chaîne de valeur. 

Risque réglementaire

Le risque réglementaire peut être compris comme le risque qu'un changement dans les lois et réglementations liées au climat (de la part d'un gouvernement ou d'un organisme de réglementation) ait un impact significatif sur une entreprise. Concernant les acteurs du numérique, le principal risque réside dans la mise en place de mesures incitant, voire obligeant, à la sobriété numérique, ce qui forcerait les acteurs à repenser leur business-model. Voici quelques exemples non-exhaustifs de mesures identifiées :

  • L’allongement de la durée légale de garantie ou l’obligation de réparabilité pour les fournisseurs de hardware.
  • L’obligation d’informer le consommateur de l’importance d’une mise à jour, pour lutter contre l’obsolescence logicielle.
  • La limitation du débit de données pour opérateurs de réseaux de télécommunications.
  • La taxe sur la publicité numérique pour les médias tirant des revenus de celle-ci.

Par ailleurs, étant donné que des acteurs des TIC s'appuient très souvent sur de la « compensation carbone » pour atteindre leurs objectifs de « neutralité », un risque important réside dans la tarification du carbone, car acheter des crédits ne protège pas contre les conséquences économiques de la mise en place d’une taxe. Ce risque englobe également les fournisseurs.  Par ailleurs, de nombreuses entités du secteur ont recours à des garanties d’origine (parfois des Power Purchase Agreements ou PPA, qui sont moins fragiles sur le plan méthodologique) pour réduire en apparence leurs émissions du scope 2. Or ce mécanisme n’est pas considéré comme légitime par le GHG Protocol (ni par Carbone 4), ce qui expose à un risque de réputation, voire de déclassement en cas d’interdiction de cette pratique, ou de durcissement des modalités de recours aux GO.

Les sociétés du numérique sont également soumises à un risque réglementaire qui concerne potentiellement tout secteur d’activité : celui de se retrouver incluses dans les systèmes de quotas négociables. Cela est arrivé à AT&T lorsque l'État de Californie a adopté en 2013 un mécanisme de plafonnement et d'échange (“cap-and-trade”) pour réduire ses émissions de carbone. En effet, AT&T s'est vu attribuer un plafond sur ses émissions maximales autorisées[23] prenant place dans l'État, ce qui l'a incité à améliorer l'efficacité énergétique de son réseau et à augmenter la part d'électricité renouvelable dans son mix (afin de diminuer ses émissions)[24] De même, Visa Inc. a été encouragé à acheter de l'électricité renouvelable pour ses activités en Virginie, suite à l'adhésion de l'État à l'initiative régionale sur les gaz à effet de serre (“RGGI”) au début de l'année 2021. Visa Inc. s’est donc engagé à couvrir 100 % de la demande d'électricité de son plus grand datacenter à partir de fermes solaires situées dans l'État[25]. Malheureusement, la RGGI autorise l’achat de garanties d’origine, ce qui n’est (souvent) pas une façon pertinente de réduire les émissions (voir 3.2.3 – objectifs de réduction). 

Risque juridique

Le risque juridique est le risque de pertes découlant d'un manquement involontaire ou d'une négligence à une obligation professionnelle (légale), liée à l'atténuation du changement climatique, à l'égard des clients, de l'environnement de travail, ou de la nature ou de la conception d'un produit. En ce qui concerne les acteurs du secteur des TIC, il s'agit principalement de risques de litiges dus à l'incitation à la consommation effrénée de produits à forte intensité de carbone. Cela concerne notamment les entreprises dont les revenus dépendent de la publicité en ligne, car elle crée des besoins artificiels et favorise la consommation, et les fabricants de matériel informatique accusés d'obsolescence programmée. Bien que non directement lié au carbone, on peut noter également le Risque juridique sur l’attribution des responsabilités des immenses pollutions du numérique, comme la décharge d’Agbogbloshie au Ghana.

Nous n’avons pas trouvé, à date, d’exemple illustratif de ce risque, qui est considéré comme faible par l’étude.

Risque de marché

Les risques de marché au niveau de l'entreprise résident principalement dans le changement de comportement des clients (marché final). L'impact du secteur des TIC sur le climat étant de plus en plus reconnu, les clients pourraient s'adapter et modifier leur comportement pour une utilisation plus consciente des produits numériques. Enfin, les datacenters et réseaux de télécommunication consommant beaucoup d’électricité, leurs exploitants et opérateurs sont soumis aux risques liés au marché de l'électricité, dont les prix sont très fluctuants.

Certaines entreprises n'hésitent pas à user de leur influence pour faire levier sur les réglementations et les prix du marché. Par exemple, en janvier 2018, la Commission fédérale de régulation de l'énergie (Etats-Unis) a annulé des règles qui aidaient à subventionner les combustibles fossiles, en partie parce que des acteurs qui dépendent beaucoup de l'électricité renouvelable - majoritairement par l’achat de Garanties d’Origine, minoritairement par l’achat de Power Purchase Agreements (notamment Apple) - ont déposé des commentaires sur la manière dont ces règles limiteraient la capacité des énergies renouvelables à être compétitives sur le marché de l'électricité[26]

Risque technologique

Le risque technologique peut se définir comme le risque de substitution des produits et services existants par des options à plus faibles émissions. Il peut aussi être lié à des impasses technologiques empêchant de réaliser les objectifs de réduction d’émissions. En ce qui concerne l'infrastructure physique du secteur des TIC, ce risque se matérialise d’abord par l'effort d'investissement important nécessaire pour décarboner les équipements, notamment les réseaux et les datacenters. 

Aussi, comme dans les catégories précédentes, le risque réside également dans l’approvisionnement en énergie :

  • Décarboner ses sites, réseaux, datacenters grâce à l’électricité renouvelable suppose l'utilisation de batteries à forte capacité de stockage, dont la disponibilité et l'amélioration ne sont pas certaines. Cela pourrait entraîner un recours à des sources d’électricité pilotables, qui sont généralement fossiles (et donc soumises à un fort risque de transition).
  • Dépendance aux énergies fossiles en amont (extraction de la matière et fabrication des appareils) et en aval (électricité des utilisateurs finaux) de la chaîne de valeur suggère un risque technologique sur la difficulté croissante d’extraction des combustibles (déclin du forage conventionnel).

De manière générale, la transition bas-carbone sera très intensive en métaux (déploiement des ENR), ce qui entrainera des arbitrages sur l’allocation des ressources qui sont limitées. Le secteur des TIC n'est pas garanti d’être considéré comme prioritaire pour bénéficier des métaux nécessaires à la transition.

Concernant les entreprises de fabrication de semi-conducteurs, un risque réside également dans la nécessité de travailler dans des salles aseptisées, avec des contraintes strictes de température et de qualité de l'air. En effet, cela implique de s'appuyer sur des tours de refroidissement ou des refroidisseurs de réfrigérant, qui sont soumis à la réglementation sur les HFC. Ainsi, si les HFC étaient interdits sur le marché, des acteurs tels que STMicroelectronics devraient trouver de nouveaux moyens de refroidissement et de fabrication.

Risque de réputation

Les entreprises du secteur des TIC pourraient voir leur réputation mise en péril en raison de leur manque d'intérêt affiché pour le changement climatique. En effet, la montée de la conscience climatique chez les parties prenantes (clients, actionnaires, ...) rend ces dernières plus demandeurs d’un secteur sobre en émissions, ce qui n'est pas compatible avec les activités de certaines grandes entreprises. Par ailleurs, les grandes entreprises du numérique compromettent leur réputation en lançant des segments d'activité intensifs en carbone (e.g., le « Metaverse » de Meta, anciennement Facebook), parfois par le biais de filiales. En outre, les PDG des GAFAM ont acquis une grande notoriété, qui peut être assimilée par les consommateurs à la réputation de l’entreprise. Par conséquent, leurs activités émissives peuvent affecter la réputation de leur entreprise (par exemple, Jeff Bezos, patron d’Amazon.com Inc., qui lance une entreprise de tourisme spatial, Blue Origin). Globalement, une surmédiatisation génère une surexposition. À terme, les entreprises qui ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs de réduction des émissions se mettent en danger. Par exemple, en 2019, l'Ohio a ramené son objectif de part d'énergie renouvelable dans son portefeuille de 12,5 % en 2025 à 8,5 % en 2026, ce qui a interféré avec la revendication de neutralité d'Alphabet en raison de son site de datacenters dans l'Ohio[27].

Risque lié aux ressources humaines

La conscience climatique s’éveille également chez les employés et les cibles de recrutement des grandes entreprises du numérique. Si les sociétés n’entreprennent pas d’actions pertinentes pour amorcer leur transition bas-carbone, elles risquent de rencontrer des difficultés de rétention de ses employés et de recrutement.

Résumé des différents risques de transition

Le schéma ci-dessous synthétise les différents de transition identifiés (les risques règlementaires et juridiques sont regroupés dans « Régulation » et les risques liées aux ressources humaines sont inclus dans « réputation ») :

Figure 9 - Les différents risques de transition identifiés

Le méthodologie Carbon Impacts Analytics (CIA)

La méthodologie CIA calcule (ou extrait) les émissions scopes 1, 2 et 3, ainsi que les indicateurs de performance clés spécifiques au secteur analysé, permettant ainsi de calculer une note globale pour évaluer la contribution d'une entité à une transition bas-carbone et son exposition au risque de transition. 

Cette section présente un bref aperçu de la manière dont la méthodologie CIA est appliquée au secteur des TIC. Une explication plus approfondie de la méthodologie CIA spécifique aux TIC est disponible à l'annexe 1. Pour plus de détails sur la méthodologie de CIA en général, il est possible de se référer à notre guide méthodologique CIA[28]

Calcul des émissions de GES

En ce qui concerne le secteur des TIC, la méthodologie CIA calcule (ou extrait) les émissions (par convention « émissions » sans précision signifie « émissions de gaz à effet de serre ») induites scopes 1&2 et 3, ainsi que la baisse des émissions unitaires scope 1&2 si applicable (cette baisse reflète l'amélioration de l'intensité carbone scope 1&2, si elle existe, en utilisant un dénominateur physique).

Émissions induites scope 1&2

Les émissions induites scopes 1 et 2 sont soit publiées par l'entreprise analysée, soit calculées par la méthodologie CIA. Nous reprenons les émissions publiées lorsque les émissions déclarées du scope 2 sont calculées avec des facteurs d’émission « location-based » (le facteur d’émission reflète le mix électrique de la zone géographique) et que l'entreprise divulgue suffisamment de données pour permettre un contrôle de cohérence avec nos ratios (consommation d'énergie, ratios vie de bureaux, ...). Sinon, nous attribuons à l'entreprise les émissions calculées scopes 1 et 2, en nous basant sur la consommation d'énergie (bonne précision) ou des ratios financiers (précision moyenne) et en utilisant nos propres facteurs d’émission.

Émissions induites scope 3

La méthodologie CIA identifie deux sources principales d'émissions scope 3 pour le secteur des TIC :

  • Les émissions des secteurs qui utiliseront les produits et services numériques de l'entreprise (dont l’éditeur de logiciels dépend). Cette approche s’applique aux entreprises de conseil et aux entreprises de développement de logiciels B2B.
  • Les émissions d’utilisation de l'infrastructure numérique. Cette approche concerne les entreprises de développement de logiciels B2B et B2C (qui hériteront des émissions de fabrication et d’utilisation des terminaux et du réseau), de fabrication de matériel informatique (qui hériteront des émissions d’utilisation du matériel en question ainsi que des émissions de fabrication et d’utilisation du réseau), de services de télécommunication et de médias (même logique).

Pour la première catégorie ci-dessus, le scope 3 est calculé en segmentant le chiffre d'affaires de l'entreprise par marchés finaux, puis en multipliant, pour chaque segment de marché, le CA concerné de l’entreprise par l'intensité carbone du marché concerné (i.e., les émissions scope 1, 2 et 3 par dollar de chiffre d’affaires dans le secteur concerné). Ces intensités sont calculées à partir de notre base de données bottom-up CIA.

Pour la deuxième catégorie ci-dessus, nous utilisons une méthodologie top-down en appliquant à toutes les sociétés le même facteur d’émission monétaire global. Ce dernier est obtenu en divisant les émissions mondiales du numérique (1,84 GtCO2e - source The Shift Project) par la valeur ajoutée globale du secteur des TIC (N.B. : les émissions scope 1&2 sont retirées de ce résultat pour éviter un double comptage).

Pourquoi se concentrer sur ces deux postes d'émissions du scope 3 ?

  • Émissions associées au marché final : Les acteurs du secteur des TIC dont les revenus proviennent de ventes B2B peuvent être affaiblis par la transition vers une économie bas-carbone si leurs clients sont vulnérables à cette transition. Par conséquent, nous attribuons une partie des émissions de ces industries à l'acteur des TIC analysé.
  • Émissions de l'infrastructure physique des TIC : nous estimons que tous les acteurs des TIC ont une partie de leur risque de transition qui est systémique, car tous les acteurs sont interdépendants. Par exemple, un réseau social (secteur des médias) est accessible par le biais d'une application (secteur des logiciels B2C) qui fonctionne sur un smartphone (secteur des ordinateurs et périphériques) et nécessite une connexion Internet disponible grâce à un abonnement à une société de services de télécommunication (secteur des services de télécommunication). Par conséquent, si l'un de ces acteurs est sujet à un risque de transition, tous les autres acteurs de la chaîne de valeur en subiront les conséquences. Pour refléter cette dépendance de tout acteur à l’ensemble des émissions des autres acteurs de la chaine de valeur, nous prenons comme assiette la valeur ajoutée de l'acteur dans l’ensemble de la chaîne de valeur.

 

Principales limites : 

Pour obtenir la valeur ajoutée globale du secteur des TIC, seules les sociétés cotées – qui fournissent l’essentiel de la valeur ajoutée du secteur - sont prises en compte. Les émissions globales du secteur des TIC sont donc réparties entre ces sociétés cotées uniquement, mais cela suffit à avoir une bonne approximation de la réalité.

L’idéal serait d’utiliser une approche bottom-up pour chaque acteur du secteur. Mais cela nécessiterait une large base de facteurs d’émission physiques (par exemple des kgCO2e/téléphone_produit pour chaque type de téléphone commercialisé, ou des kgCO2e/MO transporté selon chaque type de réseau) qui n’est actuellement pas disponible, et d’autre part les données nécessaires à de tels calculs sont rarement disponibles (les opérateurs télécoms ne publient pas les trafics détaillés par nature de réseau ou le nombre de smartphones vendus dans l’année, et encore moins par marque et modèle !). 

Performance carbone globale : la note CIA

Les émissions de GES ne suffisent pas à rendre compte de la contribution d'une entreprise à la transition bas-carbone et de son exposition au risque de transition. Pour évaluer cette contribution à la transition et cette exposition au risque, Carbon4 Finance calcule une note, allant de 1 (A+, meilleur) à 15 (E-, pire), qui résulte de l'agrégation de 3 piliers (eux-mêmes notés entre 1 et 15) :

  • La performance Passé : l'entreprise a-t-elle réussi à améliorer son intensité carbone au cours des 5 dernières années ?
  • La performance Présent : quelle est l'intensité carbone de l'entreprise par rapport à ses pairs du secteur ?
  • La performance Futur : les stratégies et les objectifs de réduction des émissions carbone de l'entreprise sont-ils assez ambitieux pour réussir une transition bas-carbone efficace ?

En outre, pour chaque secteur nous fixons de manière conventionnelle la note la plus élevée et la plus basse pouvant être atteintes pour un acteur de ce secteur. Ces maxima et minima reflètent la compatibilité du secteur avec une transition bas-carbone. Par exemple, dans le secteur ferroviaire la note des entreprises est comprise entre 1 et 8 – ce qui reflète un secteur globalement compatible avec la décarbonation - alors que dans le secteur Oil&Gas les notes possibles sont comprises entre 8 et 15 – au mieux une entreprise y est « neutre » vis à vis de la transition. Cela permet une comparaison plus équitable entre les entreprises de différents secteurs.

Pour plus de détails sur la notation CIA, consultez notre guide méthodologique. 

Performance Passé

La performance Passé correspond à l’amélioration constatée – ou pas - de l’intensité carbone de l’acteur sur les 5 dernières années. Pour le secteur des TIC, ce score passé agrège 2 composantes :

  • Un score systémique (les sociétés de conseil ne sont pas concernées) : il découle de la forte interdépendance des acteurs du secteur des TIC exposée plus haut. Nous calculons l'évolution de l'intensité carbone pour l'ensemble du secteur, qui s’applique ensuite à tous les acteurs. Ainsi, si nous observons une réduction de l'intensité carbone du secteur, alors les performances Passé de tous les acteurs s’améliorent.
  • Un score individuel d'évolution de la performance carbone :
    • Pour les services de télécommunication, il reflète l'évolution sur les 5 dernières années des émissions scope 1&2 par abonné. Le nombre d'abonnés nous a semblé être le meilleur proxy des flux physiques gérés par l’opérateur.
    • Pour les services de conseil et les développeurs de logiciels B2B, l'évolution sur les 5 dernières années de l’intensité carbone de ses clients, explicitée au § 3.1.2 ci-dessus. Cela permet d'évaluer si les clients qui font vivre l'entreprise dépendent toujours autant (voire plus) des émissions de gaz à effet de serre ou pas.
    • Les acteurs des secteurs des médias, des logiciels B2C et des hardware n'ont pas de score individuel. Ils ne publient malheureusement aucune donnée physique sur laquelle nous pourrions nous appuyer. Par exemple, les opérateurs de datacenters ne publient pas leur capacité installée, ou les fabricants d’écrans ne publient pas la surface totale d’écrans fabriqués dans l’année. Pour les entreprises de médias, il n’y a pas non plus de métrique physique (par exemple la capacité des datacenters) de publiée.

Performance Présent

La performance Présent permet de comparer l'intensité carbone actuelle de l'acteur avec celle de ses pairs du secteur. Les indicateurs sous-jacents sont :

  • Pour les services de télécommunication, les émissions scope 1&2 par abonné.
  • Pour les acteurs des services de conseil et des logiciels B2B, la note CIA moyenne de son portefeuille de clients. Pour ce calcul, chaque client se voit attribuer la note CIA moyenne de son secteur. Puis on effectue une moyenne pondérée des notes CIA des client (le poids de chaque client correspond à sa part dans le CA de l’entreprise) Ainsi, si un acteur vend tous ses produits à un client dont le secteur est noté C (note moyenne des entreprises appartenant à ce secteur dans la base CIA), il se verra attribuer la note C.
  • Les mêmes acteurs qui n’ont pas de performance Passé n'ont pas de performance Présent, pour les mêmes raisons
Table 3 – Résumé des indicateurs des performances Passé et Présent

Performance Futur

La performance Futur de la note CIA est basée sur une analyse approfondie de sous-indicateurs qualitatifs, afin d'évaluer les efforts de l'entité pour prendre en compte les risques climatiques dans sa stratégie, et pour atténuer son impact sur le changement climatique. Les indicateurs sous-jacents sont les suivants :

  • La stratégie de l'entité pour sa transition vers une économie bas-carbone,
  • Les investissements et les dépenses de R&D qui contribueront à réduire les émissions de carbone,
  • Les objectifs de réduction de l'entité pour ses émissions de GES, directes et indirectes (scopes 1, 2 & 3),
  • La structure de gouvernance qui supervise les risques climatiques au sein de l'entité.

Le tableau ci-dessous précise les critères pris en compte :

Table 4 – Principaux leviers d’action par sous-secteur, pour contribuer à la transition bas-carbone

N.B. : pour obtenir un score élevé, l'entreprise doit quantifier la part de ces mesures bas-carbone dans son activité globale, avec des économies d'énergie ou d'émissions quantifiées, afin de comprendre si ces mesures sont significatives ou non.

Objectifs de réduction : pour évaluer l'alignement des entreprises par rapport à des scénarios de réduction des émissions, nous comparons la trajectoire des émissions impliquée par les objectifs de réduction des acteurs (scope 1&2 et 3) avec un scénario sectoriel adéquat. En ce qui concerne le secteur des TIC, il n’existe pas à date de scénario spécifique disponible. Ainsi, nous nous sommes appuyés sur les scénarios d'émissions mondiales de l'AIE, 2017.

N.B. 1 : Nous considérons comme non pertinentes les réductions d’émissions revendiquées via des certificats d'électricité verte (Garantie d’Origine). En effet, ces achats ne changent ni la réalité physique de la consommation – l’entreprise utilise les mêmes électrons venant du même réseau - ni la réalité physique de la production : l’essentiel de ces garanties vient d’actifs qui ont déjà été construits ou qui bénéficient déjà de subventions publiques[29], et ne contribuent en rien à financer de nouvelles installations. Cependant, si l'entreprise mentionne des contrats d’achat d’électricité (PPAs) bas-carbone tracée, de l'efficacité énergétique et la réduction de la consommation d'énergie, elle peut tout de même être performante dans les critères d'objectifs de réduction scope 1&2. 

N.B. 2 : Les déclarations de neutralité sont considérées comme non pertinentes par la méthodologie CIA car elles n'ont pas de sens quand elles sont définies au niveau d’une entreprise (pour plus d'informations, voir notre référentiel Net Zero Initiative[30]qui fournit des conseils pour se positionner par rapport à la neutralité).

Structure de gouvernance : nous évaluons l'existence de structures internes dédiées aux questions énergie-climat (généralement le département RSE), avec leur lien avec le comité exécutif, ainsi que la mise en place de formations et d'incitations pour aider et encourager les employés à intégrer les enjeux liés au climat.

Agrégation et calcul de la note globale CIA

La note globale CIA résulte de la moyenne pondérée des performances Passé, Présent et Futur. Pour le secteur des TIC, la performance Futur est la plus fortement pondérée, car :

  • Les performances Passé et Présent qui reposent sur des intensités carbone ne prennent en compte que les émissions scope 1 et 2 alors que le scope 3 est la principale source d'émissions pour les entreprises du numérique.
  • Nous manquons globalement de données physiques pour refléter la capacité de service/production des entreprises. Par conséquent, il est plus facile d'évaluer les entités avec une analyse qualitative.
  • La performance Passé est en partie systémique et ne permet pas de différencier les acteurs.
Table 5 – Poids des performance Passé, Présent et Futur dans la note globale CIA

Enfin, comme mentionné dans l'introduction du point 3.2, nous appliquons une transformation affine pour obtenir une note globale CIA allant d'un maximum théorique (majoration) à un minimum théorique (minoration). Les seuils pour le secteur des TIC sont spécifiés dans le tableau ci-dessous : 

Table 6 – Notes CIA atteignables par sous-secteurs

Cas des entreprises multi-sectorielles

Certaines entreprises sont impliquées dans plusieurs sous-secteurs ICT. Par exemple, il est fréquent qu’une partie minoritaire des revenus des services de télécommunications provienne de la vente d’équipements numériques (box internet, …), ce qui correspond à un segment analysable avec la méthodologie Hardware. Pour ces entreprises comprenant plusieurs segments d’activité, la note globale CIA correspond à la moyenne pondérée des notes CIA de chaque segment. Les poids de pondération sont la part du segment dans le revenu total de l’entreprise. 

Figure 10 – Exemple de calcul de la note CIA pour une entreprise multi-sectorielle

Concernant l’échantillon d’entreprises analysées, la majeure partie est mono-sectorielle (ou avec un segment majoritaire représentant plus de 90% du revenu). Parmi les entreprises opérant plusieurs segments d’activités, on note notamment :

  • Microsoft Corp : Media (42%, car l’entreprise fournit du contenu web à travers son hébergement cloud, LinkedIn, et la publicité en ligne), Logiciels (40%, B2B & B2C à travers ses logiciels cloud, Windows, et les jeux vidéo), et Hardware (9%, par la vente de PC, tablettes, consoles de jeu). Les 9% de revenu restant sont hors du périmètre de l’analyse.
  • International Business Machine Corp (IBM) : Logiciels B2B (42%, notamment des logiciels cloud, et des applications cognitives), Hardware (34%), Conseil (21%, accompagnement des clients dans l’implémentation d’outils numériques).
  • Bollore SE :  Media (37%, via sa filiale Vivendi), Logistique (32%, via sa filiale Bollore Logistics, qui est impliqué dans du transport de pétrole et de gaz, des opérations portuaires et du transport de marchandises).

Résultats

Cette section présente le classement général des notes CIA pour le secteur des TIC, ainsi que la distribution des principaux indicateurs qui composent les performances Passé, Présent et Futur. 

Présentation des résultats pour les notes globales CIA

Les notes CIA vont de 6,8 (C+) à 11,9 (D-), avec une moyenne de 9,5 (C-). Les notes ne sont pas très dispersées, à cause de l’application à toutes les entreprises du risque systémique évoqué plus haut (à l'exception des sociétés de conseil[32]). Une note moyenne de C- pour le secteur correspond à une contribution faiblement négative à l'atténuation du changement climatique.

Le classement général est présenté dans la figure ci-dessous, de la note CIA la plus basse (meilleure) à la plus haute (pire).

Figure 11 – Classement global des notes CIA par sous-secteurs du numérique [33]
[33] Certaines entreprises peuvent sembler être catégorisées dans un secteur inattendu. Il s’agit en réalité du secteur majoritaire en termes de revenus, mais pas forcément le secteur historique de l’entreprise (cf. point méthodologique 3.2.5)

Une analyse approfondie de la répartition des notes au sein de chaque sous-secteur permet d’observer certaines tendances :

  • Les sous-secteurs les moins performants sont les médias et les logiciels B2C, où beaucoup d’acteurs ne portent pas une attention particulière à la question du climat.
  • Au sein des télécoms, fabricants de hardware et logiciels B2B, les notes occupent un spectre plus large, certains acteurs ayant une bonne compréhension de leur impact sur le climat et des leviers pour l'atténuer.
  • Les services de conseil sont globalement les mieux notés, car de nombreux acteurs ont mis en place des unités commerciales spécialisées dans l'évaluation de l'empreinte carbone et l’accompagnement de leurs clients dans leur transition bas-carbone.
Figure 12 - Répartition des notes CIA par sous-secteur

Scores de performances Passé, Présent et Futur

Notes de performance Passé

La performance Passé reflète l’évolution de l’intensité carbone de l’acteur sur 5 ans. Comme indiqué au point 3.2.1, la performance Passé dépend de la performance individuelle pour les services de télécommunication, les logiciels B2B et les services de conseil. Pour les autres acteurs du domaine elle reflète uniquement la dynamique du secteur dans son ensemble.

En ce qui concerne les services de télécommunication, les résultats sont très dispersés : les émissions scope 1&2 par abonné ont baissé de 40% pour les meilleurs élèves et augmenté de +90% pour les plus mauvais, avec une grande majorité d'acteurs fluctuant entre +20% et -20%. Ces émissions scope 1&2 sont principalement liées à la consommation d'énergie des réseaux de télécommunication. Par conséquent, l'évolution de l'intensité des émissions scope 1&2 peut résulter soit d'une amélioration (respectivement d'une diminution) de l'efficacité énergétique du réseau, soit de la vente (respectivement de l'acquisition) de réseaux dans des pays dont le mix électrique est peu (respectivement très) intensif en carbone. Le recours à la production d'électricité renouvelable sur site pourrait également être un moyen pertinent d'améliorer son intensité carbone, bien qu'il soit difficile à mettre en œuvre sur un réseau à grande échelle (plus adapté aux datacenters par exemple).

Figure 13 – Performance Passé pour les Télécoms (indicateur : évolution de l’intensité scope 1&2)

Pour les services de conseil et de logiciels B2B, les performances Passé résultent de l'évolution de la décomposition par secteur de la clientèle de l'entreprise. Comme les acteurs n'ont pour la plupart pas changé de clients, la distribution sectorielle de leur portefeuille de clients n'a pas changé sur une période de 5 ans, et les évolutions sont donc proches de 0%. Ceci engendre une performance Passé moyenne (8/15), synonyme de statu quo.

Notes de performance Présent

La performance Présent reflète la position actuelle de l'acteur parmi ses pairs, en termes d'intensité carbone. De même que pour la performance Passé, l'analyse des résultats se concentrera sur les entreprises de services de télécommunication, de logiciels B2B et de conseil, car ce sont les seuls sous-secteurs disposant d'un indicateur de performance Présent (aucun indicateur pertinent n'ayant été identifié pour les autres sous-secteurs). 

En ce qui concerne les services de télécommunication, les émissions scope 1&2 vont de 2 à 32 kg de CO2/abonné/an, la plupart des acteurs se situant entre 15 et 25. Ces différences s'expliquent en grande partie par les pays où l'acteur exploite son réseau. En effet, les acteurs opérant dans des pays où le mix électrique est peu carboné (par exemple, la France) auront une bien meilleure intensité carbone que ceux opérant dans des pays où le mix électrique est très carboné (par exemple, les Etats-Unis).

Figure 14 - Performance Présent pour les Télécoms (indicateur : intensité scope 1&2)

En ce qui concerne les logiciels et les services de conseil B2B, les résultats sont centrés autour de 8, qui est une note reflétant un scénario “business-as-usual” (c'est-à-dire une activité alignée avec une augmentation de +3,5°C de la température moyenne mondiale d'ici 2100, par rapport aux niveaux préindustriels), avec une faible variance. Cela s'explique par le fait que les entreprises analysées ont des clients dans tous les secteurs, car leurs services sont transversaux. Il est donc normal que leurs performances Présent reflètent à peu près celles de l'économie actuelle.

Notes de performance Futur

La performance Futur de la méthodologie CIA repose sur une analyse qualitative, qui permet une évaluation approfondie de la stratégie de décarbonation de l'entreprise. 

Une première observation est que la distribution des scores de performance Futur par sous-secteur est très hétérogène. Les sous-secteurs des logiciels et des médias B2C sont les moins performants, car la plupart des acteurs ne communiquent pas sur leurs émissions ni sur les leviers de réduction. Une des raisons de ce manque de compréhension est que certains acteurs considèrent leur activité comme non matérielle et non émissive, sans tenir compte de leur dépendance à l'infrastructure physique des TIC (voir 2.2). Ils ne voient pas d'exposition aux risques liés au changement climatique[34].

Les logiciels B2B, le hardware, ainsi que les services de télécommunications présentent une performance Futur moyenne globalement meilleure, avec des notes plus dispersées, certains acteurs ayant identifié et entrepris des mesures clés soutenant une transition bas-carbone pertinente, et d'autres ne portant pas d’attention aux risques et opportunités liés au climat.

Finalement, les entreprises de services de conseil semblent avoir une meilleure compréhension de la transition bas-carbone. Il n'y a aucun acteur qui ne mentionne pas le changement climatique dans son rapport de durabilité. En outre, écoutant les besoins exprimés par les sociétés clientes, de nombreuses entités ont lancé des unités commerciales spécialisées dans les missions de conseil à impact, qui visent à réduire les émissions de leurs clients.

Figure 15 – Distribution des notes de performance Futur par sous-secteur

Il est également intéressant d’examiner la répartition des scores de performance Futur en fonction de la capitalisation boursière. En effet, alors que les entreprises aux capitalisations boursières « élevées » (supérieures à 100 milliards d’euros) et « moyennes » (entre 100 et 10 milliards d’euros) ont une performance Futur moyenne similaire, les acteurs aux petites capitalisations et ceux non-cotés ont une performance Futur moyenne légèrement plus basse, et semblent donc moins prendre en compte le risque de transition dans leur stratégie. Cela pourrait s'expliquer par la pression exercée par les parties prenantes (clients et actionnaires) sur les entreprises à forte capitalisation pour qu’elles jouent un rôle de premier plan dans l'atténuation du changement climatique. L'absence de stratégie bas-carbone entraînerait un risque important pour la réputation de ces entreprises (voir 2.4.5). Par ailleurs, les entreprises non-cotées n’ont pas les mêmes contraintes règlementaires ni les mêmes exigences de transparence dans leurs rapports annuels et cela peut affaiblir leur capacité d’introspection.

Éléments d’intérêt relevés durant l’analyse qualitative

Comptabilité carbone : insuffisante appréhension des émissions scope 3

Les grandes entreprises du numérique semblent avoir une assez bonne connaissance des émissions liées à leur propre consommation d’énergie (scopes 1&2). En effet, 80 % des entités de l'échantillon déclarent des émissions scope 1&2, 62 % d'entre elles s'appuyant sur des facteurs d’émission location-based[35] pour l’électricité (au moins, car certaines entreprises s'appuient à la fois sur des approches location-based et market-based). 

En revanche, la majorité des entreprises analysées ne tient pas compte des émissions indirectes liées à leurs activités (scope 3), qui représentent pourtant plus de 90 % des émissions dont dépendent les entreprises de ce secteur.

Cela peut provenir des points suivants :

  • Les émissions scope 1&2 sont faciles à calculer : cela ne demande que des consommations d’énergie et des facteurs d’émission aisément disponibles. Le scope 3 couvre beaucoup de postes, et pour certains (notamment les achats) ni les données ni les facteurs d’émission ne sont faciles à trouver.
  • Le scope 3 est beaucoup plus élevé en volume et son ajout donnerait une plus mauvaise image environnementale des acteurs.
  • De nombreuses entreprises, en particulier celles de services, ne réalisent pas la longueur de leur chaîne de valeur. Par exemple, les entreprises de logiciels ont besoin d’appareils électroniques qui utiliseront leurs programmes, mais elles ne tiennent pas compte de la fabrication de ces appareils dans leur inventaire d’émissions, alors qu’il s’agit de la source d'émissions la plus importante en l’espèce. Les émissions scope 3 éventuellement prises en compte sont celles liées à la vie de bureau (déplacements des employés, voyages d'affaires, achats, ...) et sur aux datacenters qui ne leur appartiennent pas (ce qui est pertinent). De ce fait, une partie des marges de manœuvre (par exemple pousser pour des terminaux moins émissifs à la fabrication et renouvelés moins souvent) échappe à leur vision. La même réflexion peut être faite pour les entreprises de télécommunication, qui ne tiennent pas compte des émissions (fabrication et fonctionnement) des appareils connectés à leur réseau[36].

Certains fabricants de matériel informatique font figure d’exception et publie des émissions scope 3 pertinentes, car ils comprennent mieux où sont leurs principaux postes d'émissions : la consommation d'énergie en amont pour extraire, transporter et assembler les matériaux, ainsi que la consommation d'énergie en aval pendant la phase d'utilisation des appareils vendus. Certains acteurs engagent des discussions avec leurs fournisseurs pour utiliser des matériaux à faible teneur en carbone et travaillent à améliorer l'efficacité énergétique des appareils.

Stratégie : des risques de transition insuffisamment appréhendés

L'un des indicateurs les plus mauvais est l’évaluation de la stratégie globale d'atténuation du changement climatique et de contribution à la transition. Seuls 26% des acteurs estiment que la décarbonation est potentiellement dommageable pour leurs activités, et ont identifié leurs principaux leviers d'atténuation du changement climatique (listés en 3.2.3). La plupart des acteurs (47%) ont entrepris des actions marginales ou non pertinentes, généralement centrées sur la vie de bureau et les émissions des employés, ou basées sur l'achat de certificats d'électricité renouvelable (Garantie d’Origine). Beaucoup mentionnent que leur activité n'est pas en danger étant donné que leurs produits n'émettent pas de GES (ce qui est cohérent avec leur calcul minimaliste, voir 4.3.1). Finalement, 27% des acteurs ne divulguent aucune mesure de réduction de leurs émissions ou de leur consommation d'énergie.

Figure 16 – Niveaux de compréhension des entreprises face aux risques de transition et à leurs principaux leviers de réduction des risques (Source : base de données Carbon4 Finance)

Objectifs de réduction d’émissions : manque d’ambition

Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’une entreprise sont révélateurs de son ambition d’alignement avec une économie bas-carbone et de sa compréhension de ses émissions de GES. 

En ce qui concerne les émissions scope 1&2, 14% n'ont déclaré aucun objectif de réduction. 36% de l’échantillon a uniquement recours à de la compensation pour baisser en apparence ses émissions (en pratique le risque de transition reste inchangé et l’impact des activités aussi) ou à l'achat de certificats d'électricité verte, sans mesures opérationnelles pour diminuer les émissions, par exemple via de l'efficacité énergétique. En pareil cas, la méthode CIA ne crédite l’acteur d’aucun bénéfice pour cette action. 38 % des sociétés analysées ont un objectif d’alignement des émissions de leur scope 1&2 sur un scénario inférieur à 2 degrés (B2DS) ou sur un scénario à 2 degrés (2DS)[37].

Figure 17 – Évaluation des objectifs de réduction d’émissions scope 1&2 des entreprises (Source : base de données Carbon4 Finance)

En ce qui concerne les émissions scope 3, 42% des acteurs n'ont fixé aucun objectif de réduction ; 20 % ont fixé un objectif non pertinent, ce qui signifie qu'il n'englobe pas les principaux postes d'émission du scope 3 ou qu'il repose sur la compensation carbone. Seuls 17 % des objectifs de réduction des émissions scope 3 sont alignés sur un scénario inférieur à 2 degrés (B2DS) ou sur un scénario à 2 degrés (2DS).

Figure 18 – Évaluation des objectifs de réduction d’émissions scope 3 des entreprises (Source : base de données Carbon4 Finance)

Investissements bas-carbone : encore trop marginaux

Les investissements bas-carbone font partie des efforts que les entreprises doivent faire pour assurer leur transition. Leur montant peut relever de l’arbitrage suivant : s’ils visent à éviter un risque de transition, la limite supérieure sera la perte potentielle qui n’aura pas lieu, et s’il s’agit de saisir une opportunité, cette limite sera le gain potentiel qui en résultera. Nos analyses montrent que 18% des entreprises n'ont déclaré aucun investissement bas-carbone (ni R&D bas-carbone), 47 % déclarent des investissements marginaux et non pertinents, qui ne contribuent pas à réduire les principales émissions de l’acteur, et 29 % mentionnent des investissements pertinents mais partiels pour réduire leur empreinte carbone et celle de leurs clients/prestataires[38]. Seuls 6 % de l'échantillon consacrent des efforts d'investissement significatifs[28] et cohérents avec la transition bas-carbone.

Figure 19 – Part des investissements bas-carbone des entreprises (Source : base de données Carbon4 Finance)

Implication de la gouvernance et des employés : un point positif

L’évaluation de l'implication de la gouvernance (c'est-à-dire du conseil d'administration et du comité exécutif) dans la stratégie bas-carbone de l'entreprise permet de mesurer l’intégration des impacts du changement climatique sur l'entreprise dans les choix d’orientation stratégique de l’acteur, avec une possibilité de changement en profondeur de la stratégie globale de l'entreprise. Il est également important d'examiner les formations et les incitations offertes aux employés pour réduire leur empreinte carbone, car cela favorise une culture bas-carbone dans toute l'entreprise. Les résultats sont plutôt positifs puisque 45% de l'échantillon a une structure de gouvernance pertinente pour atténuer les risques de transition et implique fortement ses employés dans la transition bas-carbone. Le rapprochement avec les observations précédentes montre cependant qu’un engagement fort affiché par la direction générale ne suffit pas pour qu’il existe une stratégie de transition bas-carbone pertinente, et des objectifs ambitieux en matière d'investissements et de réduction des émissions. Une explication à cette dissonance pourrait être un manque de compréhension globale des enjeux de transition par la Direction, ou du greenwashing.

Figure 20 – Implication de la gouvernance dans la transition bas-carbone des entreprises (Source : base de données Carbon4 Finance)

Cas d’étude : Orange SA VS. AT&T Inc

Description des activités

Orange SA et AT&T Inc sont deux grands opérateurs de services de télécommunications. Orange SA est le principal opérateur français (capitalisation boursière de 25,9 milliards d'euros et ventes de 42,3 milliards d'euros en 2020), tandis qu'AT&T Inc est le principal opérateur américain (capitalisation boursière de 181,4 milliards d'euros et ventes de 152,1 milliards d'euros en 2020). Orange SA comptait 259 millions d'abonnés (avec des opérations non seulement en France mais aussi en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient) en 2020, tandis qu'AT&T Inc avait 212 millions d'abonnés. Une part non marginale des revenus d'AT&T Inc résulte des médias et de la vidéo en ligne, principalement par le biais de sa filiale Warner Media (propriétaire de HBO).

Performance Présent

Rappelons que la performance Présent est basée sur les émissions scopes 1&2 par abonné. Orange SA, dont une grande partie du réseau est situé en France (moins de 100 g de CO2 par kWh électrique en moyenne), a émis 1,3 mtCO2e pour ses émissions scope 1&2 en 2020. En revanche, AT&T Inc., dont la majeure partie du réseau est située aux États-Unis (de l’ordre de 400g de CO2 par kWh électrique) a émis 7,1 mtCO2e scope 1&2 en 2020. Par conséquent, en 2020, et sur les scopes 1&2, Orange SA émettait 4,7 kgCO2e/abonné contre 28,6 pour AT&T. Néanmoins, une partie de la différence ne vient pas du contenu carbone de l’électricité : la moitié des clients d'Orange SA accèdent au réseau via des cartes prépayées[39], alors que les clients d'AT&T accèdent au réseau en majorité par abonnements. Par conséquent, les clients d'AT&T passeront plus de temps en moyenne (sur une année) à utiliser le réseau que les clients d'Orange SA, engendrant potentiellement une consommation électrique supérieure.

Performance Passé

Les deux acteurs ont réussi à réduire leurs émissions scope 1&2 par abonné sur les 5 dernières années, grâce à l’amélioration de l'efficacité énergétique des réseaux pour l’essentiel. Orange SA a baissé de 13% cet indicateur, contre 5% pour AT&T. Concernant Orange SA, cette diminution résulte notamment de la mise en œuvre d’un programme intitulé Green ITN, qui vise à réduire la consommation d'énergie de ses réseaux. Cependant, pour les deux acteurs la performance Passé incorpore aussi celle du secteur des TIC dans son ensemble (voir § 3.2.1), ce qui vient amoindrir la différence. 

Performance Futur

La comparaison entre Orange SA et AT&T Inc est présentée ci-dessous, avec le score obtenu pour chaque critère.

Table 6 – Comparaison des performances Futur d’Orange SA et AT&T Inc
Mesures de gouvernance [40]

Dans l’ensemble, Orange SA semble prendre davantage en compte la transition bas-carbone dans sa stratégie. La différence avec AT&T Inc résulte principalement de leur approche de réduction des émissions scope 1&2, qui manque de précision concernant l'opérateur américain.

Note CIA finale

Globalement, Orange SA a une meilleure note CIA qu’AT&T Inc. Elle a un impact neutre sur l'atténuation du changement climatique, alors qu’AT&T Inc a un impact légèrement négatif.

Limites

Comme toute méthode d’évaluation, celle utilisée pour la présente évaluation comporte nécessairement des limites. La profondeur d’analyse est avant tout restreinte par le manque de données publiques permettant de recalculer des émissions ou des trajectoires. Cela conduit à traiter pour partie de manière indifférenciée les différents acteurs des TIC, même parmi les sous-secteurs tels que les fabricants de hardware (car ils englobent l’IoT qui comprend une trop grande variété d’équipements).

Principales limites méthodologiques

Nous récapitulons ci-dessous les points qui restent à améliorer : 

  • Les acteurs logiciels B2C, fabricants de hardware, et médias n'ont pas de performance Présent, et seulement une performance Passé systémique, faute de métriques physiques pertinentes et disponibles pour les évaluer. Le classement se fait uniquement sur l’analyse qualitative de la performance Futur.
  • Il existe un biais pour les services de télécommunication qui ne sont pas propriétaires de leur réseau et dépendent de l'infrastructure d'autres entreprises. En effet, leurs émissions scope 1&2 n'englobent pas la consommation d'énergie du réseau loué, ce qui minore fortement les émissions scopes 1&2 par abonné, utilisées dans la notation CIA.
  • L'attribution des émissions scope 3 du secteur des TIC n'est pas précise car elle repose sur un ratio monétaire commun à toutes les entreprises du secteur (approche « top-down »). Elle est faite sur la base de la valeur ajoutée de l'entreprise (approximée par l’EBITDA), laquelle ne reflète pas les flux physiques d'une entité. Cependant, les émissions scope 3 ne font pas parties des critères de notations CIA (pour le secteur des TIC) et donc n’influent pas sur la note CIA.
  • Pour calculer les émissions scope 3 des services de conseil et logiciels B2B, nous utilisons des ratios sectoriels (tCO2 par M€ de CA) issus de notre base de données, or ces ratios sont établis sur un échantillon d’entreprises dont l’intensité moyenne peut différer de celle de l’ensemble des entreprises du secteur. Analogiquement, pour certaines entreprises, les secteurs des clients ne sont pas exactement cohérents avec les ratios sectoriels dont nous disposons (périmètre différent entre secteur du client et secteur du ratio).
  • Les notes CIA obtenues sont peu dispersées et ne permettent pas de différencier fortement les acteurs. Nous avons choisi d'utiliser des limites hautes et basses conservatrices (l'éventail des notes atteignables est restreint et centré sur une note plutôt négative) en raison de l’effet rebond engendré par l’ensemble des activités numériques et de la dynamique globalement non soutenable du secteur. 
  • L'obsolescence et l'incitation à la consommation ne sont pas captées au niveau de l'entité (bien que nous évaluions qualitativement si les fabricants de matériel informatique ont tendance à augmenter la durée de vie de leurs produits). Nous ne disposons pas de données pour évaluer cet aspect important. Ce phénomène a donc été inclus de façon globale dans les seuils haut et bas des notes.

Pour les logiciels B2B et les services de conseil, nous ne sommes pas en mesure d'évaluer correctement combien l'entreprise a ou aurait aidé ses clients dans leur transition, mais juste dans quelle mesure elle a modifié son portefeuille de clients finaux pour privilégier des secteurs moins intensifs en carbone. Nous évaluons donc dans quelle mesure l'entreprise a atténué ses risques, mais pas dans quelle mesure elle contribue à la transition. 

  • Les calculs d'émissions et les notations auraient pu être plus précis si les entreprises avaient divulgué des métriques physiques, tels que les flux de données, poids ou diagonale d’écran des terminaux vendus par les opérateurs de télécom, consommation de matières premières, etc. qui nous auraient permis de calculer et de comparer les émissions puis les intensités carbone.
  • Pour la performance Futur, l'entreprise hérite du plus mauvais score si elle ne communique pas sur sa stratégie de transition. Comme il y a un manque général de transparence sur les stratégies, cela homogénéise (vers le bas) les notes sur ce critère.
  • Il n’existe pas (à date) de scénarios de décarbonation propres au secteur des TIC qui puisse servir de référence. Nous avons donc confronté les trajectoires et les objectifs de réduction des émissions des entreprises aux trajectoires mondiales d'émissions[41].

Aspects importants de la transition non-traités durant l’étude

Impacts du recyclage et le traitement en fin de vie des équipements

La méthodologie d’analyse CIA n’intègre pas le recyclage et le traitement en fin de vie des équipements numériques (infrastructures, datacenters, appareils des utilisateurs finaux). En effet, du point de vue de la comptabilité carbone, l’impact est marginal par rapport aux émissions induites pendant la phase de production et d'utilisation de ces équipements. Les déchets numériques ont d’autres impacts négatifs sur l'environnement et la biodiversité (pollution de l’air, du sol et des eaux à cause de l’incinération ou l’enfouissement), ainsi que des conséquences sociales (pollution portant atteinte à la santé humaine, décharges gérées par des filières illégales). Seule une part très marginale de ces déchets est recyclée. Ces aspects ne doivent pas être négligés par les entreprises, mais la méthodologie CIA se concentre sur les enjeux de transition et n’en tient pas compte dans la note.

Investissements des liquidités des géants du numérique : une autre source majeure d’émissions

La méthodologie CIA - pour les entreprises du secteur des TIC comme pour les autres activités non financières - se base sur les activités productives et l’organisation pour attribuer une note. Elle ne prend pas en compte les investissements financiers de l'entreprise. Pourtant, lorsqu'une entreprise dispose de liquidités, ces dernières sont placées, et les placements financent des activités qui vont elles-mêmes engendrer des émissions de GES[42] (cf. le module sectoriel de CIA pour les banques[43]). Les plus grosses capitalisations boursières du secteur des TIC disposant de liquidités colossales, leurs émissions financées sont à priori significatives.

La consommation liée à l’incitation de la publicité en ligne

Les entreprises dont une partie des revenus provient de la publicité en ligne voient leur note CIA légèrement impactée négativement au moment de l’évaluation de la performance Futur (analyse qualitative). L’absence d’informations sur les marchés finaux des publicités et les revenus associés limitent l’analyse ; de même les émissions (potentiellement conséquentes) liées à la production et l’utilisation des biens et services vendus grâce à cette incitation publicitaire ne peuvent être captées.

La consommation liée aux services d’achats et de paiements en ligne

Les revenus des services d'achat en ligne ne sont pas analysés avec la méthodologie CIA, car la plupart des émissions associées proviennent de la consommation d'énergie pendant la phase de fabrication et d'utilisation des produits vendus sur la plateforme en ligne. Les datacenters et l'infrastructure informatique nécessaires à la maintenance de ces plateformes représentent une part marginale de leurs émissions[44] (≈15%). Par conséquent, une entreprise comme Amazon n'a été évaluée que sur son segment commercial Amazon Web Services (24 % de ses revenus). Similairement, bien que nous analysions l’aspect digital des services de paiements en ligne, nous ne pouvons leur attribuer les émissions des achats engendrés par leurs services (la donnée nécessaire n’étant pas disponible).

Les risques physiques

La méthodologie CIA se concentre sur le risque de transition et ne prend pas en compte le risque physique lié au changement climatique. Comme mentionné au chapitre 2.2, le monde numérique est basé sur une infrastructure physique qui dépend de l'extraction de matières premières. Les aléas climatiques peuvent mettre en péril l'approvisionnement en matières premières pour les entreprises TIC et leurs fournisseurs.

Le numérique, catalyseur de la société de consommation

La numérisation a grandement modifié le rôle du consommateur dans le processus d’achat : il jouit d’un plus grand pouvoir de décision (plus de choix, plus d’information), il peut acheter n’importe quand et n’importe où, il peut renvoyer son produit et communiquer avec les autres acheteurs sur la qualité du produit. On observe aussi un impact dans les étapes de la production d’un produit : meilleure connaissance des attentes des consommateurs, détection de nouveau segment de marché (avec l’aide du big data), efficacité de production accrue, plus de possibilités de marketing, personnalisation des produits. Tous ses facteurs ont tendance à accroître la consommation et la production de manière incontrôlée, ce qui n’est pas souhaitable dans un monde contraint physiquement. On peut néanmoins noter aussi des pratiques de consommation potentiellement plus sobres, notamment le passage à une économie de partage (il n’est plus nécessaire de posséder un bien pour l’utiliser).

Figure 21 - Impacts de la digitalisation sur les achats et la production de biens (CaixaBank Research, 2017[45])

Conclusions

L'analyse d'un échantillon de 67 grandes entreprises du numérique, en s'appuyant sur une approche bottom-up, a permis d'identifier les principales tendances, dynamiques et voies de décarbonation du secteur des TIC.

Résumé des principaux résultats

Bien que le secteur représente une part non négligeable des émissions de Gaz à Effet de Serre mondiales, il affiche une faible maturité sur les enjeux climatiques : absence d’analyse exhaustive et sur toute la chaîne de valeur des risques liés au climat, communication volontairement axée sur quelques opportunités isolées, absence d’investissements bas-carbone significatifs, maintien d’une activité statu quo (« business-as-usual ») émissive et en croissance, avec des effets rebonds importants.

Un premier pas est souvent amorcé avec la création de comités internes dédiés au changement climatique dont le directeur siège au comité exécutif, mais la marge de progression reste significative.

En effet, la plupart des acteurs ne mesurent pas leurs émissions scope 3 (qui constitue le poste d’émission le plus important) et visent souvent à réduire seulement leurs émissions scope 1&2 par le biais de la compensation carbone ou d’achats de certificats d’électricité renouvelable (Garanties d’Origine, qui sont sans effet sur les émissions).

Enfin, certaines entreprises sont promptes à déclarer une neutralité carbone sur leur activité ou leurs produits, ce qui est incorrect et ne repose sur aucun fondement scientifique (la neutralité carbone n’est valable qu’à l’échelle planétaire, et non au niveau d’une entreprise ou d’un produit).

Préconisations

Afin d’accompagner les entreprises du secteur des TIC vers un monde bas-carbone, Carbon4 Finance propose, pour chaque type d’acteur, des préconisations permettant de réduire leurs émissions et celles de leur chaine de valeur en amont et aval (« Green for IT »), ainsi que les mesures permettant de décarboner les autres secteurs (« Green by IT »). Elles sont présentées dans le tableau ci-dessous : 

  • En vert les recommandation et pratiques à encourager.
  • En rouge les pratiques qu’il faut diminuer/cesser.

NB : les intitulés de colonnes concernent, de gauche à droite : les émissions liées à la production de l’infrastructure numérique, celles liées à son utilisation, et les émissions liées à des changements d’usages.

Table 8 - Préconisations identifiées pour la transition des acteurs du numérique (en vert les recommandations, en rouge les actions à cesser).

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